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L’ICANN rejette la demande de l’Ukraine visant à désactiver les ccTLDs de la Russie

Photo 41727720 / Ukraine © Fedir Shulenok | Dreamstime.com


.UA Hostmaster, le registre compétent pour l’administration des noms de domaine ukrainiens .UA, a publié plusieurs messages pour rendre compte des mesures de sécurité qu’il a prises pour assurer la continuité de ses services. Ainsi, .UA Hostmaster a transféré, dans des pays de l’Union européenne (UE), les serveurs qui assurent l’opérabilité du ccTLD .UA. Les registres de l’UE ont fait preuve de fraternité à l’égard de leur homologue ukrainien (hostmaster.ua, 2022-02-26). En outre, le registre a activé la protection par pare-feu DNS Cloudflare pour com.ua, kiev.ua et certains domaines stratégiques .UA tel que .GOV.UA qui fit l’objet d’une attaque DDOS dès le 15 février 2022 (hostmaster.ua, 2022-02-25).

Dans l’espoir de contrer la propagande russe, Mykhailo Fedorov (vice-premier ministre et ministre de la transformation numérique de l’Ukraine) et Andrii Nabok (représentant de l’Ukraine au Comité consultatif gouvernemental de l’ICANN) ont formellement demandé à Göran Marby (président de l’ICANN, « Internet Corporation for Assigned Names and Numbers ») de débrancher les extensions géographiques de la Russie (“.ru”, “.рф” et même “.su” qui était destiné à désigner l’Union soviétique) (lettre de M. Fedorov à M. Marby du 28 février 2022 : icann.org). Cependant, ni les statuts de l’ICANN ni le contrat de délégation des ccTLDs russes ne prévoient une telle sanction. Au demeurant, débrancher les ccTLDs de la Russie irait à l’encontre de la raison d’être de l’ICANN : assurer l’interopérabilité, la sécurité et la stabilité du Domain Name System. En outre, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que l’ICANN n’est pas un organe onusien contrairement, par exemples, à l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle ou à l’Union Internationale des Télécommunications. En réponse, le président de l’ICANN, Göran Marby, a rappelé que « le rôle principal de l’ICANN est d’assurer l’attribution des identifiants Internet conformément aux politiques élaborées par une communauté multipartite comprenant des experts techniques, des entreprises, des universitaires, la société civile, des gouvernements et d’autres parties prenantes, une approche large et inclusive de la prise de décision favorisant l’intérêt public mondial » (lettre de M. Marby à M. Fedorov du 2 Mars 2022 : icann.org). Autrement dit, l’ICANN ne dispose pas du pouvoir unilatéral de débrancher le ccTLD d’un territoire. À cet égard, le président de l’ICANN ajoute, à raison, qu’un « tel changement dans le processus [de décision] aurait des effets dévastateurs et permanents sur la confiance et l’utilité du système mondial » (ibid.). En outre, accéder à la requête de l’Ukraine encouragerait fatalement les pays sanctionnés à se doter de systèmes alternatifs, ce qui reviendrait à sacrifier de manière permanente l’unicité et l’interopérabilité de l’Internet. C’est bien ce que sous-entend M. Marby lorsqu’il ajoute : « Apporter des changements unilatéraux éroderait la confiance dans le modèle multipartite et les politiques conçues pour soutenir l’interopérabilité mondiale de l’Internet » (ibid.). Enfin, M. Marby a rappelé que l’ICANN ne disposait d’aucun pouvoir d’action sur le contenu de l’Internet.

Dans ce contexte, l’ICANN a décidé d’allouer une aide financière d’urgence pour un accès continu à Internet :

« Le Conseil d’administration de l’ICANN a demandé au président et chef de la direction (PDG) de l’ICANN, Göran Marby, de développer un processus et de distribuer une aide financière pour soutenir la sécurité, la stabilité et la résilience des systèmes d’identificateurs uniques d’Internet, en particulier pour soutenir les mesures d’atténuation lorsque l’accès à Internet l’infrastructure est compromise par des événements soudains et inattendus indépendants de la volonté des utilisateurs concernés. Le Conseil d’administration de l’ICANN s’attend à ce que la distribution dirigée aujourd’hui se concentre sur la prise en charge du maintien de l’accès à Internet pour les utilisateurs en Ukraine.
Le conseil d’administration reconnaît également la valeur de fournir ce type de soutien à plus long terme et a demandé au PDG d’évaluer si et comment insuffler cet effort pour les années budgétaires futures.
Botterman a en outre expliqué la justification du Conseil d’administration pour sa décision :  » L’ICANN est synonyme d’un Internet unique, mondial et interopérable qui sert tous les peuples du monde dans l’exercice de leurs droits humains fondamentaux, y compris le droit humain de rechercher, de recevoir et de transmettre des informations et des idées. . C’est grâce à un accès sans entrave à Internet et à la libre circulation de l’information que les gens peuvent acquérir des connaissances et être exposés à une diversité de points de vue et d’informations. Cela est particulièrement important lorsqu’un accès rapide à l’information et à la communication peut sauver des vies » (icann.org, 2022-03-06).

C’est bien entendu sur le terrain informationnel que l’action est la plus opportune. Ainsi, les médias d’État russes (RT et Sputnik) ont été exclus notamment par Facebook, Instagram, Twitter, TikTok, Google News, Microsoft, YouTube en Europe et ailleurs.