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L’accord de coexistence comme outil de prévention des litiges relatifs aux noms de domaine

En droit des signes distinctifs, un accord de coexistence est un contrat par lequel les parties, titulaires de signes distinctifs similaires voire identiques, décident de laisser coexister leurs signes distinctifs respectifs, moyennant le respect de certaines conditions. Ces dernières peuvent varier en fonction des circonstances auxquelles les parties font face. Ces conditions ont vocation à délimiter les signes distinctifs notamment dans leur forme, leur objet (les produits et/ou services offerts) ou leur portée territoriale. L’objectif recherché par les parties est celui de la jouissance paisible de leurs signes distinctifs respectifs dans le cadre de l’accord consenti. L’accord de coexistence vise donc à éteindre (elle prend alors la forme d’une transaction) ou à prévenir les conflits. Les accords de coexistence sont souvent sanctionnés par des clauses pénales et les clauses de règlement des litiges à venir font généralement appel à des modes alternatifs de règlement des litiges comportant un caractère confidentiel (médiation, arbitrage, med-arb).

Un exemple emblématique de contrat de coexistence de marques est celui conclu entre Apple Corps (la société titulaire des droits d’auteur des Beatles) et Apple Computer (le fabricant d’appareils électroniques), dans lequel les parties avaient délimité leurs secteurs d’activité : au premier la musique ; au second l’informatique. Les parties eurent ainsi la jouissance paisible de leurs signes respectifs jusqu’à l’invention d’iTunes, ce qui donna naissance à un litige bien connu (Apple Corps Ltd v Apple Computer Inc.).

L’avènement du commerce électronique a rendu indispensable le recours aux accords de coexistence portant sur les marques et les noms de domaine. Les recherches d’antériorité et les surveillances de noms de domaine révèlent l’existence de signes distinctif dont la légitimité ne peut péremptoirement être remise en cause. De telles circonstances invitent les parties à conclure un accord de coexistence.

Ainsi, dans la récente affaire D2021-2756 (OMPI, D2021-2756, Nordic Nest AB v. Anette Grostad, October 14, 2021), force est de reconnaître que les parties auraient judicieusement pu recourir à un accord de coexistence. La société suédoise Nordic Nest AB poursuivait Mme B, domiciliée en Californie, à propos du nom de domaine <shopnordicnest.com>, enregistré en 2016. La demanderesse est propriétaire de marques « Nordic Nest » enregistrées dans l’Union européenne depuis 2015 et aux États-Unis depuis 2019 notamment pour la vente d’objets de la maison. La défenderesse gère une boutique dans laquelle elle vend des objets de la maison ayant une caractéristique commune avec ceux de la demanderesse : le style nordique. Cependant, selon la défenderesse, la recherche d’antériorité conduite précédemment à la création du nom de domaine n’avait révélé aucune marque « Nordic Nest », aux États-Unis, pour la vente d’objets de la maison. De plus, la marque de la demanderesse n’est pas notoire. En outre, le tiers décideur a fait remarquer que la marque « Nordic Nest » pour des objets de la maison était suggestive, sans aller jusqu’à la qualifier de descriptive. Compte tenu des circonstances, le tiers-décideur a rejeté la demande de transfert du nom de domaine. Dès lors, plusieurs options sont envisageables : la procédure judiciaire (qui accorde tous les moyens nécessaires à la manifestation de la vérité, contrairement à l’UDRP), la cession du nom de domaine, voire sa licence. L’accord de coexistence pourrait également être envisagé dans la mesure où la demanderesse ne semble revendiquer aucune activité commerciale en dehors des États-Unis. Une délimitation territoriale, tant dans le monde physique que numérique, pourrait donc être considérée.