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UDRP sur gnp.com : bref propos sur la stratégie à adopter en présence d’une marque acronyme courte

La société Grupo Nacional Provincial est une compagnie d’assurance mexicaine fondée en 1907. Propriétaire de plusieurs marques mexicaines « GNP » et consciente de la nécessité de former le couple marque et domaine.com, cette société a très judicieusement cherché à prendre possession du nom de domaine gnp.com. Il existe plusieurs moyens légaux d’obtenir un nom de domaine : la surveillance avec l’enregistrement automatique en ligne de mire (dans l’hypothèse où le nom retomberait dans le domaine public), la négociation indirecte et confidentielle via un tiers de confiance, la négociation directe et les procédures juridictionnelles, judiciaires ou extra-judiciaires (dont l’Uniform Domain Name Dispute Resolution Policy ou UDRP). En l’occurrence, on ignore si la société Grupo Nacional Provincial eut recours à l’un de ces moyens, isolément ou cumulativement, avant d’engager une procédure UDRP (WIPO, D2021-1136, Grupo Nacional Provincial, S.A. v. Privacydotlink Customer 4270030 / Yancy Naughton, August 26, 2021).

Comme une grande majorité de .COM composés de quatre lettres ou moins, le nom de domaine gnp.com fut enregistré au début des années quatre-vingt-dix. Sans qu’il soit nécessaire de retracer son historique, il est légitime de présumer qu’il a été l’objet de nombreuses transactions, sa valeur augmentant à chaque d’entres elles, tout cédant rationnel n’ayant intérêt à s’en dessaisir qu’avec l’assurance d’une plus-value. En l’espèce, gnp.com était détenu par une personne physique qui exerce une activité de négoce de noms de domaine, notamment ceux composés de trois caractères en raison de leur valeur intrinsèque.

Les procédures UDRP visant à demander le transfert d’un nom de domaine court sont souvent vouées à l’échec. En effet, un nom court est un nom rare et convoité pour les multiples possibilités qu’il offre à l’imagination des entrepreneurs et communicants. Il en résulte qu’à l’exception de certaines marques notoires (telles que IBM ou KFC), plus le nom de domaine est court, plus les chances de succès sont faibles dans le cadre d’une procédure juridictionnelle. Cependant, le total des coûts relatifs à une procédure est nécessairement inférieur à la valeur intrinsèque d’un tel nom de domaine (quatre caractères au moins), soit, au bas mot, plusieurs dizaines milliers de dollars, certains étant estimés à plusieurs millions. Dès lors, certains propriétaires de marques peuvent estimer que le recours juridictionnel en vaut la chandelle, d’autant qu’en matière extrajudiciaire, l’abus de procédure (reverse domain name hijacking) n’est sanctionné que de manière symbolique (une simple mention, à l’exclusion de toute autre sanction, même si l’abus peut servir de base à action judiciaire).

En l’espèce, la commission administrative, composée de trois membres, a adopté une approche économique en mettant en lumière la valeur intrinsèque du nom de domaine acronyme. La commission rappelle le principe de libre appropriation des noms de domaine tant qu’ils ne portent pas atteinte aux droits des tiers :

« le registrant a autant le droit que n’importe qui d’autre d’utiliser des expressions telles que des acronymes, des mots génériques, des mots du dictionnaire ou d’autres noms de domaine composés à partir d’un petit nombre de lettres ».

Les panélistes ont également rappelé que la liberté du commerce s’applique à l’activité de négoce de noms de domaine :

« le Défendeur a un intérêt légitime à commercialiser des noms de domaine avec des logos personnalisés lorsque ces noms ont été choisis pour leur nature générique et ne cherchent pas à capitaliser sur la marque de commerce du Plaignant ».

Enfin, la commission a analysé la portée de la notoriété de la marque GNP pour, finalement, écarter la probabilité que le registrant, de nationalité tchèque, ait pu accaparer le nom de domaine gnp.com dans le dessein d’empêcher la société Grupo Nacional Provincial de se l’approprier. Dans ces circonstances, les panélistes ont judicieusement rappelé que l’offre de vente du nom de domaine constituait une activité commerciale légitime. Il en résulte que le transfert du nom de domaine n’a pas été ordonné.

Finalement, le jeu n’en valait pas la chandelle. Reste la négociation. Le titulaire du nom de domaine s’y trouvera en position de force. Les extensions alternatives au .COM peuvent également offrir une voie de secours. Elles sont innombrables. Contentons-nous d’en mentionner quelques unes : .COMPANY, .GROUP, .INSURANCE, .WORLD. Enfin, pour ne plus avoir à subir les désagréments liés à l’indisponibilité de noms de domaine courts, les entreprises ont la possibilité d’acquérir leur propre extension.