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Chine : les prémices de la jurisprudence relative à la réparation punitive en cas d’atteinte à la propriété intellectuelle

Protéger les droits de propriété intellectuelle des investisseurs étrangers, tel est l’un des objectifs prioritaires des dirigeants chinois depuis l’accession de la République Populaire de Chine à l’Organisation Mondiale du Commerce en 2001. Au fil des années, la législation relative à la propriété intellectuelle n’a cessé d’évoluer, toujours dans un sens favorable à la protection de la propriété intellectuelle. Avocats et agents de l’État (dont les juges et les douaniers) reçoivent désormais une formation de qualité et les programmes de sensibilisation diffusent l’idée de propriété intellectuelle dans la conscience collective chinoise. Autrement dit, l’administration et la communauté juridique s’efforcent de façonner un climat de confiance à la hauteur des attentes, non plus seulement des investisseurs étrangers, mais également des entreprises chinoises. Parmi les espoirs nourris par les titulaires de droits de propriété intellectuelle, la dissuasion par une sanction judiciaire effective a longtemps demeuré au centre des intérêts, et des inquiétudes. Ces dernières se résorbent peu à peu.
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L’introduction des dommages-intérêts punitifs
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Traditionnellement, le droit chinois de la réparation reposait sur le système compensatoire. Cependant, en 2013, le législateur a initié un changement de paradigme en incorporant la réparation punitive dans son arsenal de sanctions contre la contrefaçon de marque. L’article 63 de la loi sur les marques donne le pouvoir aux juges de multiplier le montant de la réparation due : dans un premier temps, jusqu’à trois fois et, depuis 2019, jusqu’à cinq fois. La mise en œuvre de cette disposition repose sur deux critères cumulatifs : un critère subjectif (la mauvaise foi) et un critère objectif (des circonstances graves). Enfin, le tableau serait incomplet sans une mention visant l’article 1185 du Code civil chinois (issu de la loi du 28 mai 2020) qui prévoit des réparations punitives en cas d’atteinte à des droits de propriété intellectuelle.
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Interprétation et lignes directrices
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Dans une perspective de cohérence et d’harmonisation de l’application de ces nouvelles dispositions, la cour supérieure de Pékin a publié, le 21 avril 2020, des lignes directrices relatives à la détermination des dommages-intérêts dans les infractions à la propriété intellectuelle et dans les affaires de concurrence déloyale (Guiding Opinions on Damage Determination in IP Infringements and Unfair Competition Cases and the Standards for Determining Statutory Damages (Beijing Higher Court Guiding Opinions). Plus récemment, le 3 mars 2021, la Cour suprême (SPC), poursuivant le même objectif, a publié son interprétation sur l’application des dommages-intérêts punitifs dans les affaires civiles concernant des atteintes aux droits de propriété intellectuelle (Interpretation of the Supreme People’s Court on the Application of Punitive Damages in the Trial of Civil Cases involving Intellectual Property Rights Infringements), ce document ayant une valeur quasi-législative. Enfin, le 15 mars 2021, la SPC a diffusé une sélection de résumés d’affaires dans lesquelles des dommages-intérêts punitifs ont été prononcés.
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Le critère subjectif : la mauvaise foi
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Il ressort de l’interprétation de la SCP qu’une réparation punitive ne peut être infligée au contrefacteur que lorsque l’intention malicieuse de ce dernier est prouvée. C’est le cas notamment lorsque le défendeur, compte tenu de sa position ou de sa relation avec le demandeur, ou considérant la renommée de la marque en question, ne pouvait ignorer les droits de propriété intellectuelle de ce dernier. C’est également le cas lorsque le défendeur a continué à commettre des actes de contrefaçon après avoir reçu une mise en demeure du demandeur.
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Le critère objectif : des circonstances graves
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Quant à la gravité des circonstances, la SCP retient notamment la fréquence, la durée, l’ampleur (par exemple, la présence des contrefaçons sur les plateformes de marché en ligne), l’importance des bénéfices réalisés grâce à la contrefaçon ou encore la dangerosité des marchandises de contrefaçon. La cour suprême engage les juges chinois à tenir compte, en outre, du degré de coopération du contrefacteur : la poursuite des actes de contrefaçon malgré une décision administrative ou judiciaire, la falsification ou la dissimulation de preuves, la non-conformité à une décision imposant la préservation des biens.
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Ce faisant, la cour supreme pose les fondations d’une cohérente mise en oeuvre des dispositions relatives à la réparation punitive dans les affaires concernant les atteintes aux droits de propriété intellectuelle.