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Recours contre une décision UDRP : le BAMC ?

La société Emily Rose Trust a été contrainte de transférer le nom de domaine uglyhousesri.com à l’issue d’une procédure UDRP (NAF, FA2003001889990, HomeVestors of America, Inc. v. Emily Rose / NCRS, May 20, 2020). Dès le 29 mai 2020, cette société a saisi le Board Accountability Mechanisms Committee (BAMC) de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN) dans le but, totalement illusoire :

« 1. de faire annuler la décision UDRP ; ou

2. de réexaminer l’affaire et d’obtenir une nouvelle décision émanant de l’ICANN ; ou

3. de nommer un panéliste impartial, respectant les valeurs de l’ICANN et capable de rendre une décision impartiale » (ICANN BAMC, Summary Dismissal of the Board Accountability Mechanisms Committee Reconsideration Request 20-2, July 16, 2020).

Le procédé est maladroit. En effet, les statuts de l’ICANN (icann.org) ne comportent aucune disposition conférant au BAMC un quelconque pouvoir de révision des décisions UDRP. En effet, les paragraphes c) et d) de la section 4.2. des statuts détermine les cas dans lesquels le BAMC peut être saisi :

« (c) Un demandeur peut soumettre une demande de réexamen ou de révision d’une action ou d’une inaction de l’ICANN (« demande de réexamen ») dans la mesure où le demandeur a été affecté par:

(i) une ou plusieurs actions ou inactions du Conseil d’administration ou du personnel qui contredisent la mission, les engagements, les valeurs fondamentales et/ou la (les) politique(s) de l’ICANN ;

(ii) Une ou plusieurs actions ou inactions du Conseil ou du personnel qui ont été prises ou refusées sans considération d’informations importantes, sauf lorsque le demandeur aurait pu soumettre, mais s’en est abstenu, de telles informations à l’examen du Conseil ou du personnel au moment de l’action ou du refus d’agir ; ou

(iii) Une ou plusieurs actions ou inactions du conseil ou du personnel qui sont prises en raison de la confiance du conseil ou du personnel à l’égard d’informations fausses ou inexactes.

(d) Nonobstant toute autre disposition de la présente section 4.2, la portée du réexamen exclut ce qui suit:

(i) les différends relatifs aux délégations et redélégations de domaine de premier niveau d’indicatif de pays (« ccTLD »);

(ii) les différends relatifs aux ressources de numérotation Internet ; et

(iii) Différends relatifs aux paramètres du protocole ».

Sur la compétence matérielle, le paragraphe c) n’inclut pas la révision des décisions UDRP. On pourrait rétorquer que le paragraphe d) n’exclut pas une telle révision par le BACM. Cependant, il faut également tenir compte des critères subjectif et objectif qui définissent la compétence de cet organe, le second étant le corolaire du premier. S’agissant du critère subjectif, la section 4.2., paras. c) et d) désigne le conseil d’administration de l’ICANN et le « personnel ». Par « personnel », il faut entendre « les employés et les entrepreneurs individuels rémunérés à long terme qui travaillent dans des endroits où l’ICANN ne dispose pas des mécanismes pour employer ces entrepreneurs directement » (section 4.2.a)). Autrement dit, il doit exister un lien de subordination entre l’ICANN et l’auteur de l’acte. Or les tiers décideurs, auteurs des décisions UDRP et autres décisions de même nature, n’appartiennent à aucune des catégories indiquées à la section 4.2.a). De surcroît, le principe d’indépendance qui préside à leur fonction interdit de les subordonner à une quelconque autorité, pas même à l’institution de règlement des différends qui l’a désigné (en l’occurrence, le National Arbitration Forum). Quant au critère objectif, la section 4.2., paras. c) et d) fait référence à des actes ou inactions émanant de du conseil d’administration de l’ICANN ou du personnel subordonné à l’ICANN. Or, pour les raisons que nous venons d’indiquer, les décisions UDRP n’entrent pas dans cette catégorie. Par conséquent, le BACM devait effectivement se déclarer incompétent.

Dès lors, quels sont les recours contre une décision UDRP ou de même nature ? Les règles gouvernant la procédure UDRP ne prévoient aucun recours. Autrement dit, il n’existe pas de procédure d’appel. En outre, la procédure UDRP ne constitue pas une procédure d’arbitrage et la décision qui en résulte ne peut être qualifiée de sentence arbitrale. La connaissance de la nature de l’UDRP est importante car, en vertu du principe compétence-compétence (qui est reconnu dans la plupart des pays ayant adopté une loi ou une jurisprudence favorable à l’arbitrage commercial international), tout appel devant l’autorité judiciaire serait exclu. Tout au plus pourrait-on envisager un recours en révision (ce qui différent d’une procédure d’appel). Il en résulte que la partie insatisfaite d’une décision UDRP dispose de la possibilité de saisir l’autorité judiciaire compétente. Cette dernière se prononcera aussi bien sur le fond (au besoin, en appliquant le droit de l’UDRP et/ou le droit des marques) que sur le respect des principes fondamentaux qui s’imposent dans toutes procédures juridictionnelles, dont ceux de l’indépendance et de l’impartialité.