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Covid-19 : quand la contrefaçon spécule sur la pandémie, la panique et la pénurie

@ Belkin & Co (Adobe Stock 331493551)
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La pandémie de Covid-19 qui sévit depuis fin décembre a fait naître chez les plus indignes d’entre nous des velléités d’une immoralité et d’une inhumanité que l’on aurait préféré ne pas soupçonner. Pourtant, nous nous y attendions. Pandémie, panique et pénurie forment un cocktail amer capable de terrasser la lucidité des plus prudents. Des escrocs mus par une cupidité impitoyable spéculent sur les déficiences d’une société mondiale affaiblie, pour faire fortune. Cet abus de faiblesse à grande échelle prend différentes formes, la contrefaçon étant l’une des plus manifestes.

La pénurie d’équipements médicaux occasionne des circonstances terriblement favorables à un renforcement de la confiance dans des produits qui prennent l’apparence de biens respectant les normes de sécurité et émanant de producteurs titulaires des droits de propriété intellectuelle et/ou, le cas échéant, d’une autorisation de mise sur le marché. Tests de dépistage, médicaments, masques, gants, lunettes de protection, surblouses, combinaisons de protection, respirateurs et filtres pour respirateurs, solutions hydroalcooliques, etc. sont autant de produits qui, du fait de la rareté dont ils sont frappés, subissent une augmentation démesurée des prix. Certains États ont limité cette inflation, parfois sous la menace de sanctions pénales. On ne peut que s’en féliciter. Cependant, cette mesure n’a pas été imposée dans tous les pays et, quoiqu’il en soit, elle ne suffirait pas à résoudre le problème lié à la rareté ; ce n’est pas sa fonction. Le terrain est donc propice à la vente de contrefaçons d’équipements médicaux. Habituellement, bien que cela ne soit pas systématique, le prix pratiqué participe, entre autres facteurs, à la détection des marchandises de contrefaçon. Mais en période de pénurie, les contrefacteurs peuvent avoir intérêt à s’aligner sur le prix du marché, en particulier en l’absence de tout interventionnisme étatique, ce qui les place opportunément dans une position convenable pour tirer profit de l’anxiété des citoyens ou de l’asthénie des patients. Les circonstances font que le caractère exorbitant des prix peut ne pas être rédhibitoire. D’autres contrefacteurs, à l’opposé, prennent le parti de vendre dans une fourchette de prix plus raisonnable, mais sans omettre bien-sûr de capter l’attention de leurs victimes par des promotions pouvant atteindre -90%. Fort heureusement, le prix n’est pas le seul révélateur de la véritable nature d’une marchandise de contrefaçon. Les autorités le savent et agissent en conséquence.

Au Royaume-Uni, une personne a été accusée d’avoir fabriqué des médicaments constitués notamment de thiocyanate de potassium et de peroxyde d’hydrogène, de les présenter comme participant au traitement contre les coronavirus et de les vendre à travers le monde. Un colis avait été intercepté à Los Angeles. Une perquisition au domicile du prévenu a permis de découvrir 300 kits de traitement et environ 20 litres de produits chimiques employés dans la production des médicaments de contrefaçon (worldipreview.com, 2020-03-23). Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

Face à l’irréductible férocité des contrefacteurs, Interpol est aux aguets. Une nouvelle opération Pangea XIII, conduite dans 90 pays du 3 au 10 mars 2020 (Interpol.int, 2020-03-19), a conduit à la mise hors d’état de nuire de 2 000 liens hypertextes faisant la promotion de marchandises de contrefaçon (principalement des masques) spécifiquement destinées aux personnes désirant se prémunir contre le Covid-19. Interpol reconnaît que la saisie de plus de 34 000 masques de contrefaçon et de qualité inférieure, de « corona spray », « coronavirus packages » ou « coronavirus medicine » ne révèle que la partie immergée de l’iceberg. Au cours de cette semaine d’action, « les autorités des pays participants ont inspecté plus de 326 000 colis, dont plus de 48 000 ont été saisis par les autorités douanières et réglementaires ». Or 326 000 colis, ce n’est qu’une goutte d’eau si l’on tient compte de l’ampleur de la crise sanitaire dans le temps et dans l’espace, même si le nombre d’envois de petits colis a été freiné par la pandémie. Et ce n’est pas tout :

« Par rapport à la semaine d’action en 2018, cette dernière édition de l’opération a signalé une augmentation d’environ 18% des saisies de médicaments antiviraux non autorisés et une augmentation de plus de 100% des saisies de chloroquine non autorisée (un médicament antipaludique), qui pourrait également être lié à l’épidémie de COVID-19 ».

L’Office Européen de Lutte Anti Fraude (que l’on appelle « OLAF ») prend pour exemple « des masques de contrefaçon proposés en ligne dans différents États membres de l’Union européenne à des prix variant entre 5 € et 10 €, environ trois fois le prix normal. De faux masques pour enfants (Frozen 2) sont également impitoyablement passés en contrebande » (ec.europa.eu, 2020-03-20). OLAF ajoute :

« Les preuves empiriques suggèrent que ces produits de contrefaçon entrent en Europe par le biais de ventes en ligne et sont introduits dans nos foyers via des services postaux ou de messagerie. Néanmoins, ils arrivent également dans des conteneurs avec de faux certificats, ou déclarés comme autres produits, puis se retrouvent dans les circuits de distribution normaux, ou sont vendus sur le marché noir. Jusqu’à l’interdiction de voyager actuellement imposée, ils sont également arrivés en contrebande à travers la frontière dans des valises de passagers aériens, ou en passant par les frontières terrestres ».

Le 4 mars 2020 s’est tenue, devant plusieurs membres de la sous-commission « Protection du consommateur et commerce » (energycommere.house.gov/subcommittees) — une branche de la commission « Énergie et commerce » de la Chambre des Représentants des États-Unis (energycommerce.house.gov) —, une audition consacrée à la sécurité des produits mis à la disposition du public sur les plateformes de marché en ligne (iptwins.com, 2020-03-16). À cette occasion, certains membres de la Chambre des représentants n’ont pas manqué d’introduire la question de la sécurité des consommateurs vis-à-vis du matériel médical qui inonde les places de marché à grand renfort de mots-clés tels que « covid-19 » et/ou « coronavirus ». M. Mheta (pour Amazon) a assuré qu’Amazon déployait « tous les efforts nécessaires pour supprimer les produits qui garantissent une guérison et, plus généralement, tous les mauvais opérateurs qui tentent de profiter de la situation actuelle. La tolérance zéro s’applique ». À ce jour, Amazon.com et Amazon.fr, par exemples, ne proposent aucun masque médical. Il en va de même notamment pour eBay.com et eBay.fr. Les entreprises démontrent ainsi que, lorsque la sécurité des personnes est jeu, elles disposent des ressources et de la capacité pour supprimer les marchandises dangereuses. Mais d’autres plateformes ne jouent pas le jeu.

Les circonstances que nous connaissons appellent à une nouvelle réflexion sur les sanctions pénales en matière de contrefaçon. Pour commencer, la nécessité d’appliquer les sanctions les plus lourdes paraît s’imposer, non pas seulement pour envisager la peine dans sa fonction dissuasive, mais également ou même simplement, pour isoler les individus dangereux du reste de la société. Par ailleurs, dans la mesure où la pénurie favorise les marchés parallèles, dont celui de la contrefaçon, il pourrait être salutaire d’envisager la pénurie comme  une circonstance aggravante.

Ironie de la situation, ce sont des entreprises et groupes d’entreprises habituellement frappés par la contrefaçon qui mobilisent leurs chaînes de production pour confectionner des équipements de protection et des solutions hydroalcooliques : LVMH, L’Oréal, Kering, Groupe CL, Armor-Lux, Christian Siriano, Zara, Inditex, Nivea, Pernod Ricard, Noyoco, 1083, Saint James ou encore Manifeste011. La plupart des masques sont destinés aux membres du personnel soignant ; faute de mieux, ils ne protègent pas nécessairement des gouttelettes respiratoires extérieures, mais on leur reconnaît une aptitude à réduire le risque de transmission de soignant à patient. Toujours est-il que ces masques ne prétendent pas être ce qu’ils ne sont pas. Dyson, et de nombreux constructeurs automobiles (Ford, Tesla, Roll Royce, Jaguar, Land Rover, General Motors, etc.) se sont également dits prêts à fabriquer des respirateurs et des ventilateurs, parfois en collaboration avec des spécialistes du secteur (dont 3M et GE Health). Comme quoi, il existe différentes manières d’exploiter les droits de propriété intellectuelle, certaines plus honorables que d’autres.